mercredi 9 avril 2008

0.0/0.1/1.0/deux

On oublie souvent qu'entre le premier et le dernier de la classe, entre le champion et le tocard, y'a un monde. Les types moyens. Dieu s'est pas trop emmerdé à leur faire une face, pas franchement. Pas sûre qu'ils aient une histoire non plus. Pas de vie, une bio juste bâclée, qu'est-ce que tu veux qu'on en dise ? C'est du remplissage ces corps là, pour qu'entre le premier et le dernier, ça soit pas trop vide, qu'il y ait un bruit de fond. Alors on lâche des chapelets de figurants comme ça, partout, dans la rue et dans les magasins, aux queues des supermarchés, au cinéma, dans les stades de foot, dans les bois le Dimanche et dans des clubs de philatélie ou des cercles de réflexion. Des fonctionnaires de l'existence, quoi.
Ils ont pas vraiment de nom, savent plus ou moins l'épeler, c'est pas non plus les derniers de la classe. Des gens médiocres, qui achètent les trucs que des premiers de la classe ont inventé, que des derniers de la classe ont produit dans des usines. Des humanoïdes, genre anthropomorphes, qui n'existaient pas avant que tu les croises. Et ils n'existeront plus, une fois passé le coin de la rue.
J'ai certainement pas envie de vous parler de ces gens sur lesquels on peut pas dire grand chose sans trop en dire.

Au milieu de ceux là, y'a les comme moi, C'est là que ça devient intéressant. C'est là que je vais.
Des types fondus dans le décor, eux aussi, qui font parti des meubles, genre, tu vois, des anonymes avec des noms pas franchement nominatifs. Des "individus", en apparence tout ce qu'il y a de plus normal. A peine moins anthropomorphiques justement, mais subtilement. A peine plus présents, peut-être, je sais pas, à toi de me le dire. Pas des derniers de la classe défigurés par l'existence, pas des premiers de la classe non plus chirurgités et dégraissés à l'aiguillon. Pas non plus des "ni premier ni dernier de la classe", des médiocres, des normaux. Plutôt le truc improbable, à la fois premier et dernier de la classe.

Des tocards sublimes, des génis merdiques ; des ratés éblouissants, des virtuoses minables, capable du meilleur ET du pire, pêle-mêle, en même temps, d'un seul geste et dans le même élan. Des gens comme ça, prêts à se battre pour trouver une cause et à la trahir dans la foulée, même pas la trahir, pas non plus l'oublier. Juste la ranger au milieu du salon, ou sur le bord d'un trottoir, et puis que quelqu'un la ramassera peut-être, ça m'a frôlé l'esprit, ça me pétrifie d'indifférence.
Comme quelque chose d'énorme, de fabuleux, mais juste suffisament viscié pour, tu sais, être à la frontière, pas en marge. Un genre de dernière pompe à essence dans un film de Mad Max, mais qui distribue le sucre en même temps. Une source d'eau de montagne au beau milieu du désert, mais qui ne désaltère pas. Comme quand tu rêves que tu bois, que tu sens que le liquide descend et coule dans ta gorge, alors que ta langue reste pâteuse et brûlante, et ta gorge sèche.
Il ne s'agit pas de juger de l'utilité ou de l'inutilité, pense plutôt à un rapport d'efficacité, sans jugement de valeur ou d'adéquation avec ce que tu attends. Pense juste à, tu sais, un surdoué de la médiocrité, un Untermensch divin. Un cyclope avec un oeil crevé, mais qui verrait mieux. Rocco-la-Porn-Star, un chibre énorme, mais sous laquelle pendouilleraient les couilles d'un enfant de 4 ans.

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