lundi 19 mai 2008

A - LuSiD Night #1

Je pense à Paris. A l'heure où les maraudeurs cavalent dans ses rues, nettoyant les désastres des nuits, de corps échoués à la dérive, de viande encore tiède, de cadavres au rimel fringant ou bouffé en vieux sac de chair raccorni, oublié. Il faut nettoyer le charnier avant que les gens convenables n'investissent les rues. Moi je ne dors toujours pas. Je constate le gâchi. Je pense à Paris parce que je suis à son image. J'ai laissé derrière moi le charnier des pensées nocturnes, le marasme et les kilomètres de mots psalmodié dans une transe tellement actuelle. Privée de délire mystique. Dans la clairvoyance la plus total, la lucidité, le désenchentement. Ma mémoire comme un éboueur fait le tri dans les pensées-cadavres d'une nuit d'émeute. Et il ne reste rien qu'un esprit droit comme une avenue, et mes masques tranchants comme l'éclat du réverbère. J'ai soigneusement planqué mes idées de contrebande dans les noms des boutiques.

Une nuit à penser à ce pays, à cette fable de Lafontaine qui aurait mal tourné, une qui aurait pas de morale. Le porcelet et le vers charognard. Il me faut des torrents de café encore. Je ne serais jamais rien de plus que moi, ce matin. L'instant est terriblement particulier, tellement court. Envahi par une terreur d'enragé-blessé. Je ne crois jamais m'être senti humain, désespérement humain. Avaler, simplement, le jus noir des enceintes, qui crachent et chantent la maman et la putain. Mes enceintes le vomissent avec grace. Mes oreilles le lèchent avec avidité. Et il est l'heure, ce Lundi de merde, de se dresser pour aller nourrir, encore, ce fardeau croupissants. Six milliards de tubes digestifs, de petits êtres ignobles qui engloutissent une vie simple. Peut-être la mienne. On va pas protester, mais il faut reconnaitre qu'on nage dans le pathétique le plus total. Je veux bien vivre une vie de crevard au fond des poubelles de la république - ces poubelles débordent de gras. Mais une bonne fois pour toute, plaignez-moi bordel de merde, arrêtez de vous planquer derrière vos museaux plein de questions, et chantez en coeur nos vies cramées, on vaut bien ça.

On peut disserter des plombes, m'sieur l'agent, on reste de la putain de viande de parade, dans un uniforme ou un autre, avec ou sans crête, les trois bandes, la matraque, le téléphone portable "cellulaire" et accessoires divers, tous plus customisables les uns que les autres. On est des milliards de petits téléphones portables de merde, perdus, oubliés, mais putain, admettez que c'est beau ! Grotesque, mais beau. Nous, avec nos façades interchangeables. On se croise comme des SMS, on n'a plus d'batteries et on crève, on n'a plus d'crédit et on n'attend d'plus avoir d'batteries. On sera jamais foutus de vouloir marcher dans le même sens. Et à quoi bon. On n'a pas les même semelles.

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